5. Le masque impérialiste du PKK

Les lecteurs peuvent se demander comment pouvons-nous décrire le PKK et le PYD comme des organisations léninistes alors que leurs partisans semblent être impérialistes, reçoivent un soutien direct des Etats-Unis, sont favorisés par l’Europe et tiennent des drapeaux américains. La raison est la suivante : le PKK et son extension le PYD ont habilement porté un masque, en particulier depuis le début des années 2000. Cette stratégie, que le PKK a été contraint d’adopter à la suite des lourdes défaites infligées par la Turquie, a été renforcée par l’occupation américaine en Irak. A cette époque, la Turquie a refusé d’autoriser les forces militaires à entrer en Irak depuis le territoire turc et avec cette décision, la Turquie s’est fermée à toutes les interventions contre l’Irak. Par conséquent, la Turquie n’avait aucun moyen d’agir contre les camps du PKK sur le mont Qandil.

Le PKK a profité de l’occasion pour donner l’impression d’être un allié des Etats-Unis en utilisant la carte iranienne contre les Etats-Unis. Il n’est plus un secret qu’à cette période, l’administration américaine de l’époque a envoyé diverses formes d’aides aux camps du PKK, au nord du 46e parallèle, une zone de sécurité. Le PKK est donc apparu comme un mouvement nationaliste kurde impérialiste et un allié important. Les Etats-Unis et les autres forces de la coalition ont cru à ce masque et ont conclu que l’organisation était un candidat idéal pour le plan d’un grand Kurdistan. Après cela, ce masque a beaucoup profité au PKK.

Ce masque est si convaincant que les Occidentaux, qui voient qu’un Etat kurde au Moyen-Orient serait à leur avantage, ont été très désireux d’y croire. Le PKK a fait grand usage de ce souhait et a soudainement commencé à adopter le langage impérialiste. Ce masque a trompé les communistes et l’extrême gauche même en Turquie. Ce stratagème rusé et bien conçu est en fait une tactique communiste bien connue. Pour voir cela, nous devons observer les exemples précédents de l’histoire.

Staline, par exemple, était l’un des représentants les plus sanglants de l’idéologie communiste et utilisait un langage extrêmement dur contre la religion, comme l’exigeait le communisme :

« Nous faisons et continuerons de faire de la propagande contre les préjugés religieux… Le Parti ne peut pas être neutre à l’égard des préjugés religieux, et il fera de la propagande contre ces préjugés… » 1

Staline même, qui parlait de propagande anti-religieuse contre toutes les religions, a signé un accord avec l’Eglise orthodoxe russe dans les premières années de la seconde guerre mondiale, permettant la réouverture de dizaines de milliers d’églises et la reconstruction de la hiérarchie sous la direction de l’Eglise. En outre, la charia islamique a été reconnue dans le sud, le bouddhisme a été soutenu à l’est et l’antisémitisme a été fortement désapprouvé. Mais il y avait juste une raison à cette étrange ouverture : être capable d’éliminer le fascisme, qui avait dégénéré en un danger existentiel pour le communisme dans la guerre et attirer le soutien dans la lutte pour vaincre Hitler. Staline a longtemps utilisé l’influence de l’Eglise pour s’opposer aux nazis.

Lénine a entrepris un changement de politique économique à court terme afin de revigorer l’effondrement de l’économie russe et d’atteindre les niveaux des pays capitalistes, et a adopté les principes du capitalisme. Dans le cadre de ce système, connu sous le nom de Nouvelle politique économique (NEP), une politique permettant aux petites entreprises de continuer à faire des profits, comme dans le capitalisme, a été adoptée. Les bolcheviks considéraient la NEP comme une mesure temporaire et les politiques adoptées par l’économie capitaliste étaient critiquées au sein du parti. La NEP, une politique totalement en désaccord avec la conception communiste de l’économie, a été adoptée en tant que mesure essentielle, puis abandonnée dès qu’une croissance économique suffisante a été atteinte. La même tactique peut être observée aujourd’hui dans la politique chinoise de Hong Kong.

Un autre exemple intéressant des politiques communistes de changement de forme et de recul peut être observé dans leurs approches de la famille et de l’Etat. Comme nous l’avons vu en détail dans les sections précédentes, le communisme est violemment opposé à la famille et à l’Etat et considère ces deux institutions comme des obstacles dans la lutte pour le retour aux sociétés communales. Néanmoins, les communistes recourent généralement à un stratagème et disent qu’un Etat fort est nécessaire pour faire disparaître l’institution de la famille et pour que l’Etat soit fort, il faut d’abord renforcer l’institution de la famille. Ils font donc d’abord un pas en arrière et renforcent la famille. L’Etat communiste est ainsi renforcé, après quoi l’institution de la famille est progressivement supprimée. La prochaine étape consiste à supprimer l’Etat, et dans une société sans valeurs familiales ou religieuses, cela serait facile pour les communistes. 2

Les tactiques communistes ont été appliquées avec détermination par la plupart des dirigeants communistes et ont été considérées comme essentielles à la croissance et à l’épanouissement du communisme. Autrement dit, tous les masques possibles sont portés au profit d’un puissant Etat communiste. Il est clair que Staline ne soutiendrait jamais les églises ; que Lénine n’aurait jamais donné place à l’économie capitaliste. Cependant, quand les circonstances l’exigeaient, un masque était porté avec une grande maîtrise. Et aucune concession n’a été faite sur cette apparence trompeuse.

Les PKK utilisent actuellement la même technique. Le PKK s’est rendu compte que le moyen de s’installer dans la région et d’obtenir l’autonomie était de se rapprocher de l’Occident. Ils sont conscients du fait que se tenir avec une identité communiste provoquerait une réponse négative de la superpuissance mondiale, les Etats-Unis, et qu’une telle réaction entraînerait inévitablement un échec.

En outre, bien qu’elle soit farouchement opposée au système étatique et organisée dans l’intention de le détruire, l’organisation a changé son discours et a commencé à décrire l’existence de la République de Turquie comme une garantie pour eux. Ceci est une tactique distincte. Bien sûr, ils s’imaginent que dans la phase d’autonomie, la République de Turquie serait un garant pour eux ainsi que leur principale source de financement, d’armes et d’infrastructures. C’est pourquoi le PKK et ses partisans parlent toujours de l’importance de l’existence de l’Etat. Cependant, le véritable objectif est, une fois qu’ils ont établi leur propre état, d’éliminer tous les Etats de la région, y compris la République de Turquie, et de procéder ainsi jusqu’à atteindre l’objectif d’un Etat communiste mondial. Ces propos ne sont donc rien d’autre qu’une tactique.

NOTES :

  1. Questions & Réponses aux syndicalistes américains: Interview de Staline avec la première délégation syndicale américaine en Russie soviétique, Pravda, 15 septembre 1927;
    http://www.marxists.org/reference/archive/stalin/works/1927/09/15.HTM
  2. Komünistler Nasıl Yalan Söyler [Comment mentent les communistes?], Dr. Fred C. Schwarz, p. 215-216

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